Congés payés : rappel salutaire, une opportunité à saisir.
Par deux décisions diversement commentées la chambre sociale de la Cour de cassation a le 13 septembre 2023[1] [2]considéré que les dispositions des articles L3141-3[3] et L3141-5[4] du Code du travail devaient être partiellement écartées au profit des directives européennes sur les droits à congés (directives de 1993 et 2003).
[1] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 septembre 2023, 21-22.301,
[2] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 septembre 2023, 22-17.638,
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033020810
[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033020826
Quelle était la situation avant ces arrêts ?
Avant cette jurisprudence, les textes du Code du travail précités conduisaient à ce que les arrêts de travail pour maladie prescrits par les médecins n’ouvrent pas droit à congés lorsqu’il s’agit de maladie dite ordinaire et ouvre droit à congés dans une limite de 12 mois lorsqu’il s’agit d’arrêt inhérent à une maladie professionnelle ou un accident du travail.
Ainsi par exemple un salarié malade pendant un mois perdait 2 jours et demi de congés payés.
Les textes européens et la jurisprudence européenne considéraient, à juste titre, que de telles dispositions portent atteinte à un objectif fondamental du droit du travail européen et à une liberté fondamentale, à savoir la protection de la santé et notamment de la santé des travailleurs.
La Cour de cassation après, dès 2013, avoir alerté les pouvoirs publics sur la non-conformité des textes du droit du travail français par rapport aux directives européennes a franchi un pas supplémentaire, devant l’inertie des pouvoirs publics, en faisant prévaloir le droit européen sur le droit français contraire et en déclarant que ce droit européen devait s’appliquer de manière directe dans les relations entre les salariés et leurs employeurs.
Pourquoi est-ce logique ?
Certains crieront et crient déjà à l’absurdité de la construction européenne qui impose des règles aux états membres sans tenir compte de leurs spécificités ou de leur histoire.
D’autres diront et disent déjà qu’il s’agit d’une prime à la fainéantise considérant que ce sont les salariés qui « se mettent en congé maladie » alors qu’il s’agit d’une décision médicale d’une part et que la notion même de congé maladie constitue une hérésie sémantique puisque celui ou celle qui est contraint de se soigner n’est certainement pas en congé.
C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il faut comprendre les décisions de la Cour de cassation et les positions européennes.
Les congés payés constituent en effet un droit au repos qui est indispensable en raison de la fatigue accumulée, qu’elle soit psychique ou physique, dans l’exercice de l’activité salariée et qu’ils constituent un droit intangible pour la santé des salariés.
L’arrêt maladie, quant à lui, dans la grande majorité des cas constitue une période pour se soigner, pour lutter contre un mal, quel qu’il soit, sans être totalement libéré des contraintes de la vie professionnelle, ni libéré des liens avec l’employeur contrairement aux congés payés.
Faut-il rappeler que l’employeur qui maintient partiellement le salaire du salarié en arrêt de travail et un certain nombre d’avantages liés à l’exécution du contrat de travail est en droit de faire effectuer des contrôles médicaux à l’encontre du salarié, de la même manière que le devoir de loyauté s’applique aussi aux salariés pendant les périodes d’arrêt ordonnées par les médecins ?
En conséquence, il était logique que le fait qu’un salarié soit malade et doive lutter contre une maladie de quelque nature qu’elle soit, ne puisse être considéré comme ayant pour conséquence de lui diminuer ses droits à repos.
Que faire maintenant ?
Il appartient aux salariés de solliciter de leur employeur qu’il leur attribue les jours de congés payés qui leur auraient été déduits au mépris des dispositions européennes sur la base des décisions de la Cour de cassation.
Il s’agit à notre sens d’obtenir des jours de congés à prendre, et non pas une indemnité compensatrice de congés payés puisque le droit au repos et à la santé, par nature, ne s’achète pas.
Cependant, cette situation qui est tout à fait applicable au contrat de travail en cours dans les relations avec les employeurs qui auraient sans commettre de faute appliqué les textes de droit français se pose différemment si la relation de travail n’existe plus.
En effet, a minima, les salariés sont en droit de réclamer à leurs anciens employeurs, les congés payés au titre des années antérieures qui, cette fois, malgré l’objectif de la jurisprudence, ne peuvent que se traduire par des indemnités compensatrices de congés payés puisque le contrat de travail n’existant plus, il ne peut y avoir de prise de congés.
Quel délai pour agir ?
Comme évoqué précédemment, la règle voudrait, a priori, que s’agissant d’un droit lié à l’exécution du contrat de travail, la prescription, c’est-à-dire la durée à partir de laquelle le salarié ne peut plus réclamer, serait de 5 ans.
Cependant, dans un autre arrêt du même jour, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu’il ne pouvait y avoir de prescription sur les congés payés dès l’instant où le droit aux congés payés n’était pas connu du salarié. En l’occurrence, tel était le cas, puisque l’employeur retenait le nombre de jours et les déduisait des jours attribués figurant sur le bulletin de paie.
Dès lors ce serait une prescription de 20 ans qui s’appliquerait, qui est la prescription dite générale du Code civil.
Certains experts évoquent une prescription qui ne pourrait remonter au-delà du traité de Lisbonne (2009) qui est le traité qui a permis de rendre d’application directe les directives sociales.
Pour envisager la situation, les salariés peuvent donc se rapprocher du Cabinet GIRAUD WABANT, afin d’étudier leur situation et les démarches à diligenter, en toute hypothèse, le plus rapidement possible.
Que faire pour les employeurs ?
L’ensemble des organisations d’employeurs s’est manifesté pour se scandaliser d’une telle décision de la Cour de cassation et des conséquences en la matière tant pour le futur que s’agissant de la rétroactivité.
Pour le coût à charge des entreprises pour l’avenir, il convient de rappeler que la santé des salariés ne s’achète pas et que les employeurs sont malvenus de remettre en cause ce principe alors que depuis 10 ans le nombre d’accidents de travail a cessé de diminuer et que le nombre d’arrêts maladie et de reconnaissance de maladies professionnelles n’a cessé d’augmenter !...
Pour ce qui concerne le passé et la régularisation de celui-ci, on ne saurait trop conseiller aux employeurs que de mettre en cause la responsabilité de l’état pour réparer le préjudice qui découlerait des demandes, justifiées, de leurs salariés ou de leurs anciens salariés, puisqu’il n’est pas contesté que les employeurs ont appliqué la législation française et que c’est l’état français qui, par sa faute, en violation des traités européens, malgré les rappels des hautes juridictions, n’a pas correctement retranscrit les directives européennes dans le droit français.
Il serait en effet particulièrement incompréhensible que les employeurs soient les seuls à payer les errements des gouvernements successifs.
Conclusions
Salariés, reprenez l’ensemble de l’historique de vos bulletins de paie et des arrêts maladie prescrits par vos médecins au cours des 15 dernières années et contactez le cabinet GIRAUD WABANT pour entamer les démarches nécessaires pour faire valoir vos droits.
Employeurs, demandez à vos services comptables d’établir le coût potentiel des régularisations pour le passé, provisionnez les dans la mesure du possible et contactez le cabinet GIRAUD WABANT pour entamer les actions contre l’état afin de vous garantir des préjudices que vous subirez.
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